Oncle Sam Politicien verbeux
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| Sujet: Avant-goût Dim 18 Sep - 19:07 | |
| Ayant retrouvé mon inspiration, je vous propose aujourd'hui le prologue (très court) qui trame l'histoire de mes nouvelles lignes, basées sur le débat actuel de l'euthanasie. Il est très court mais s'il est apprécié je pourrai publié la suite, du moins le chapitre 1 pour l'instant. Oh allez, je vous en met un peu plus, c'est pas grave ! Dites moi ce que vous en pensez - Spoiler:
- Citation :
SYMPTÔMES
L’Hôpital Mads Fredrik Gilbert à côté de Paris est un lieu sans histoire. Il est comme tous ces hôpitaux de banlieue sans problèmes. Médecins en cours de carrière, infirmières sans grandes ambitions étant nées dans les environs, fierté de leur famille pour laquelle elles ont réussi leur vie (la finissant prématurément au tabac), les patients des alentours venant ici sans grande peur quand il s’agit de petites infections, ou par répit de ne pouvoir consulter de spécialistes reconnus. Des gens guérissent, des gens meurent, et ce sous le regard de docteurs en médecine las de trop d’enveloppes ne pouvant plus être sauvées. Il est vrai qu’à partir d’un certain moment, en plus des patients, les médecins ne souffrent plus non plus. La mort fait partie intégrante de leur vie, ne restant plus qu’une énigme irrésolue dans leur esprit. Jeunes, les étudiants en médecine ont en général pour objectif de sauver des vies, partir en Afrique pour travailler dans l’humanitaire, trouver un vaccin voire remporter un prix nobel ; mais leur seul vrai souci devient de ne pas trop perdre de paris médicaux, relativisant toute perte de vie et la ramenant au triste constat d’un manque de chance ou (et) de temps. Vu sous cet angle, la science de la médecine peut désabuser les gens, les ramenant eux aussi au triste constat que bien qu’étant permis, l’espoir n’est pas un traitement.
1. Physiopathologie
Des médecins, la quarantaine, traversent le patio cigarette à la main. L’un d’entre eux s’appelle Lucien Cadespan, il officie au service des soins palliatifs ou « le couloir de la mort » comme on le surnomme ici et pour cause, on ne dénombre pas moins de cent cinquante morts par an. Mais cette aile de l’hôpital n’est plus là pour guérir, mais pour rendre moins pénible une fin de vie hâtive. Lucien a 42 ans. Autant dire qu’il a une carrière bien entamée et dans ce service, la notion d’échec ou de succès est différente de tout autre secteur. Le facteur unique est le temps. Le succès est de se dire que l’on aura poussé le client, pardon, le patient au bout de son terme, l’échec est de n’avoir pas eu le temps d’y penser. Voici le quotidien de Lucien. Mais détrompez-vous, c’est loin d’être une personne lugubre aux pensées mortifères. C’est un homme de son temps. Caféiné, amateur d’art africain et cinéphile, il ne boude pas ses plaisirs. Une femme interprète, une fille de 6 ans plutôt douée… socialement, il ne rougit de rien. Ça pourrait être mieux mais également pire. Bref, un Monsieur Toulemonde.
Professionnellement, l’espérance d’une carrière exemplaire est tronquée. Comme ses tests d’ailleurs, bien qu’il espère toujours tomber dans ce cas, sur un faux-négatif. Notre médecin ne se fait pas d’illusion. Malgré de minces perspectives, il gagne plutôt bien sa vie, habitant un appartement moyennement aisé de la rue Servan à Boulogne-Billancourt et ayant pour amis quelques collègues dont il apprécie d’aller à la partie de poker hebdomadaire du Vendredi. Tout cela pour dire qu’assister à la mort un jour sur trois n’influence pas un médecin, cela change seulement sa vision de la mort pour l’alléger et la rendre aussi fluette que le sang circulant dans les perfusions des agonisants.
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Oh bien sûr, notre cher médecin a rêvé d’être un nouveau Schweitzer, découvrir le vaccin contre le SIDA, annihiler le cancer mais il sait qu’il ne fera jamais tout ça. Sorti avec une moyenne légère d’une faculté de médecine de province, il a débuté comme jeune médecin dans un hôpital peu réputé, et de dispensaires en dispensaires, il avait fini par atterrir dans cet honorable hôpital de banlieue. Une ascension bien modeste mais convenable. Une schizophrénie carriériste régnait en lui : d’un côté, un travail sans grandes ambitions ; tel un anti-héros à la Charles Bovary peint par la médiocrité, de l’autre une volonté de réussir à la manière du fougueux Julien Sorel. Mais malheureusement, Flaubert avait dépeint plus efficacement sur lui que Stendhal.
Son travail au quotidien était de veiller sur les personnes qui, à l’instar des nourrissons, était plus proche de la mort que de la vie. L’atmosphère qui régnait était oppressante. Les murs de crépi jaune ainsi que le sol dallé de blanc aux plinthes noires donnaient à ce service une impression de renfermement et d’étouffement. Un cocon de pré-macchabé (ou de post-vivant) préservé d’un monde trop violent. C’était un purgatoire, lieu de jugement non pas entre le choix manichéen du paradis ou de l’enfer mais de la vie et de la mort. Ce n’était pas des humains qui rentraient dans cette aile redoutée de l’hôpital mais des patients attendant dans la salle d’attente de la faucheuse, antichambre de l’effondrement funeste.
Quant à la chaleur humaine, il n’en était rien. Comme si l’on devait habituer les résidents de ce Contrat à Durée Déterminée vers un contrat à durée indéterminée : à la froideur de la mort. Les infirmières et aides-soignants n’étaient pas plus loquaces. Une bonne partie avait du mal à tenir quelques mots et essayaient de baragouiner quelques mots de la langue de Molière devenue la langue d’un basque espagnol. Du moins, il s’agissait du cas de celle qui s’exprimait, d’autres ne daignant pas même répondre aux questions des souffrants. Ces derniers ne comptaient plus. Dès lors arrivée à leur dernière chambre, ils n’étaient plus considérés comme partie du monde des vivants. Tels des loques, ils n’avaient plus ni choix ni envie, réduits à une simple enveloppe en souffrance. Ils n’intéressaient même pas la recherche, alors à quoi bon ? Aucun plaisir ne leur était laissé et l’animosité des infirmières cachait trop bien leurs sous-vêtements pour que quelconque vieillard y trouve quelque dose de consolation dernière.
Une vie de souvenir, une vie de travail pour résulter en une existence anéantie. Du jour au lendemain que vous êtes sans espoir, on vous abandonne, vous n’avez plus de malheur. Toutes les médailles que vous avez eu pour une quelconque guerre, tous les amis que vous aviez (ou pensiez avoir), toute la famille qui était avec vous (il ne reste désormais plus qu’une pauvre mère ou bien une sœur désespérée), tout ceci s’envole en fumée, comme les mégots froids des infirmières. Quelques regards bienveillant du médecin parfois, des amis de trente ans qui vous disent que vous avez bonne mine en vous apportant des bouquets d’orchidées jaunies (des chrysanthèmes auraient été plus symboliques) et le pire de tout, les petits-enfants (s’ils existent, s’ils sont venus de plein gré ou de force et s’il veulent bien vous voir, ces trois conditions réunies) pour vous observer une dernière fois, ou énième s’ils ont déjà eu l’occasion de vous rendre visite, afin de contempler le désastre de la vie, vous voir sous un jour faux, épuisé, sénile et incapable de faire quoi que ce soit, à ouvrir la bouche pour qu’on vous donne une cuillère de compote pomme/banane sans sucre… bref, ces petits-enfants ne pourront que s’interroger lorsqu’on leur parler de la dignité de la mort dans un cours soporifique de biologie.
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Lucien considère encore qu’il est du bon côté, tel l’avocat qui est devant les barreaux. Après tout, il voit ce portrait si affligeant tous les jours mais ne préfère pas s’imaginer à la place de ces vieillards impotents, de ces trentenaires malchanceux et de tous ces accidentés de la vie. Finir sa vie dans 7m2 et n’avoir que pour plaisir les chaines gratuites de la télévision sur un écran qui a les bords deux fois plus larges que l’écran (et qui par sa qualité d’image fait penser à une œuvre pure de pointillisme) et à se délecter une fois par semaine, le vendredi, d’un filet de hoki avec une sauce un peu meilleure que ce qui existe pour menu le reste de la semaine ; et peut-être en dessert, une clémentine, qui sait…
A ce moment, les priorités ont changé et la volonté n’existe plus. Le reste de vie est organisé autour de quelques périodes clés de la journée : 8 heures, midi, 16 heures et 19 heures. Le reste du temps, il n’y a rien à faire, alors on pense. On pense à ce qu’on a vécu, on pense à l’époque où l’on marchait, l’on courait. On pense qu’on était vivant. Mais on se console en disant qu’ici est peut-être mieux que là-haut. Ce qui ont la Foi n’ont pas besoin de se consoler sans cesse car ils savent déjà tout ce qui va se passer, St Pierre et toute compagnie ; mais ceux qui n’ont rien, sans foi ni loi se retrouvent abandonnés, sur le caniveau de leur vie, guettant un passant généreux pour un court moment de plaisir. Et c’est là qu’ils se disent qu’ils auraient dû être plus généreux avec les mendiants et les miséreux. Qui sait, s’ils étaient devenus bénévoles, peut-être ne seraient-ils pas là aujourd’hui. Alors pour la première fois de leur vie, ils ne prient plus pour eux mais pour les autres, et ça c’est la signification qu’ils ne sont plus un être entier mais un ambassadeur de la vie prêt à rendre son rapport de mission à la mort.
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Passer de la vie quotidienne à ce purgatoire nécessite beaucoup de préparation. Si l’on est encore conscient, ou entre deux gémissements, on vous dit comment se passera votre passage dans l’univers parapsychique des soins palliatifs. Ce transfert se fait en général le matin, car si l’on a encore la chance d’être en possession de ce matin, il reste la fatigue qui nuirait à quelque volonté de rébellion. Arrivé au service, tout n’est que papier. Questions routinières posées à la personne garante du malade et l’infirmière ferme la porte.
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Lys Fondatrice
Messages : 449 Localisation : Bohumín (Česka Republika) Emploi : Lycéenne
| Sujet: Re: Avant-goût Mer 21 Sep - 10:19 | |
| Je veux la suite! Non, vraiment, je pense que tu tiens quelque chose d interessant. Je ne vois pas trop ou tu veux en venir, mais je pense qu avec la suite, je verrais mieux la structure. Tu ne me donnes pas envie d aller dans un hopital, et en fait, Lucien de m interesse pas particulierement, et pourtant, j ai envie de savoir comment va evoluer son environnement.
De temps en temps, tu as une ecriture legere et tres agreable, et une touche d humeur pas deplaisante!
Bref, c est un bon debut! Il va falloir que tu m en dise plus sur cette creation! | |
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Invité Invité
| Sujet: Re: Avant-goût Jeu 22 Sep - 13:14 | |
| Sam je veux tes manuscrits par courrier :p En échange t'auras... euh.. Bah une carte de tarot ^^' (oui en ce moment je me fabrique un tarot ^^) |
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Maño Extraterrestre flambée
Messages : 186 Emploi : lycéenne
| Sujet: Re: Avant-goût Sam 24 Sep - 19:23 | |
| C'est vrai que ce début de texte donne vraiment envie de pouvoir lire la suite!! Je suis impatiente! | |
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