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 Roméo et Juliette - Shakespeare - Mise en scène d'Olivier Py

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Maño
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Maño


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MessageSujet: Roméo et Juliette - Shakespeare - Mise en scène d'Olivier Py   Roméo et Juliette - Shakespeare - Mise en scène d'Olivier Py I_icon_minitimeMer 6 Juin - 9:09

Voilà mon compte-rendu sur Roméo et Juliette, mis en scène par Olivier Py que j'ai vu cette année et que j'ai particulièrement apprécié. Je pense que peu de gens le liront vu la longueur et vu qu'il manque toutes les images qui aèraient un peu le texte, mais j'avais tout de même envie de le poster. (Lys, voilà ce que tu devras faire en première bom )



I] L’œuvre littéraire





William Shakespeare est né en 1564 dans un petit village du centre de l'Angleterre. Son père est un riche marchand de cuir (il possède trois maisons) que l'on nomme maire du village. Il s'endette en négligeant son commerce pour s'occuper des affaires municipales. William est le second de ses 6 enfants. Le milieu aisé dans lequel il vit lui permet d'aller à l'école où il apprend la langue et la littérature latines, ainsi que de l’histoire, de la logique et de la rhétorique. Il quitte son village à 18 ans, après s'être marié, et l'on perd quelque peu sa trace avant de le retrouver dans une compagnie de théâtre. Il ne deviendra jamais un comédien de premier plan, mais prend un protecteur (le comte de Southampton) qui l'introduit à la cour, où il s'initie aux intrigues politiques, tout en continuant à écrire pour la troupe de Lord Chamberlain, pour laquelle il écrit exclusivement depuis 1594, date de la construction du Globe, un théâtre circulaire avec un dispositif scénique particulier qui divise l'espace (avant-scène, arrière-scène, balcon, scène) et permet une simultanéité des actions .
Shakespeare écrivit trente-sept œuvres dramatiques entre les années 1589 et 1614, qui lui permirent de rétablir la fortune de son père pour se retirer à 50 ans, riche et célèbre, dans son village natal où il meurt deux ans plus tard, en 1616. On peut distinguer trois périodes dans son œuvre :
- 1589 à 1601 : il écrit des « histories » (Richard II, Henry IV, etc.)
- 1602 à 1609 : le temps des tragédies (Le roi Lear, Macbeth, etc.)

- 1610 à 1614 : le temps de la misanthropie et de la sérénité (La Tempête, Timon d'Athènes, etc.)



Ce classement n'est cependant pas rigide : on retrouve des comédies tout au long de sa carrière, et il écrivit Roméo et Juliette entre 1591 et 1595 (publiée pour la première fois en 1597.)
Les thèmes des pièces de Shakespeare sont presque tous tirés de légendes ou de faits historiques connus, mais il a contribué à la transformation de la dramaturgie anglaise par l'importance qu'il attribuait aux personnages secondaires, à la psychologie, à l'action et, bien évidemment, au langage. La pièce Roméo et Juliette traduit le talent de Shakespeare : il est au début de sa carrière et l'on remarque déjà une structure particulière (alternance des scènes comiques et lyriques) qui accentue la tension et montre bien le génie du dramaturge. Son écriture très lyrique et poétique a beaucoup influencé la langue anglaise, et certaines citations sont devenues des expressions courantes.
Olivier Py a choisi de retraduire la pièce de William Shakespeare.
La pièce se passe en Italie, principalement à Vérone. Une querelle incessante perdure entre deux familles : les Capulet et les Montaigu. Roméo, un Montaigu, follement amoureux d’une certaine Rosaline, s’invite à un bal de ses ennemis pour la voir, mais tombe éperdument amoureux de Juliette, fille de la famille ennemie, et réciproquement. Bien qu’elle soit déjà promise à un jeune noble, Pâris, ils se marient en secret avec l’aide du frère Laurent. Tybalt, cousin de Juliette et ennemi de Roméo se querelle avec ce dernier, mais tue par accident Mercutio, l’ami de Roméo qui voulait le défendre. Roméo se venge, tue Tybalt et est banni. Juliette, avec l’aide du frère Laurent, se fait passer pour morte pour éviter son mariage avec Pâris et pour que Roméo, averti, vienne l’enlever. L’épidémie de peste empêche le messager chargé de porter l’explication à Roméo de le faire. Celui-ci revient alors de Mantoue, croyant Juliette morte, et s’empoisonne après avoir tué Pâris. Juliette se réveille et trouve son bien-aimé mort. De désespoir, elle se tue avec le couteau de son mari. Apprenant leur tragique histoire par le frère Laurent, les deux familles se réconcilient.

II] La représentation



Le metteur en scène est Olivier Py, un des « grands hommes » du théâtre français actuel. Après des études de Première Supérieure et de Lettres Supérieures au Lycée Fénelon, il entre à l'ENSATT puis, en 1987, au Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique (CNSAD), ce qui ne l'empêchera pas d'entamer des études de théologie et de philosophie. C'est en 1988 qu'est créée sa première pièce [/size]Des Oranges et des ongles, et qu'il fonde sa propre compagnie « L'Inconvénient des boutures » pour assurer la mise en scène de ses textes. Il est nommé 10 ans plus tard directeur du Centre dramatique national d'Orléans puis devient, en mars 2007, directeur du Théâtre national de l’Odéon qu'il devra quitter en mars 2012 pour prendre la direction du Festival d'Avignon à partir de 2013. Il écrit beaucoup et son théâtre est un théâtre de l'excès, très lyrique et qui se revendique comme tel. Les pièces ou opéras qu'il met en scène sont, à part les siennes, souvent de grandes œuvre épiques ou lyriques, comme Roméo et Juliette, dans lesquelles il met l'accent sur la parole.

Dans Roméo et Juliette, on le retrouve avec des acteurs qui le suivent fidèlement depuis de longues années : Olivier Balazuc (1974 - ancien élève du CNSAD, auteur, comédien et metteur en scène) dans le rôle de Capulet et de Pâris, Philippe Girard (1958 - École du Théâtre national de Chaillot, ancien comédien permanent du TNS, Olivier Py trouve que c'est « un immense acteur lyrique ») dans le rôle de Frère Laurent et Mireille Herbstmeyer (membre fondateur avec Jean-Luc Lagarce de la compagnie professionnelle du « Théâtre de la Roulotte » en 1981) dans le rôle de la Nourrice, et Frédéric Giroutru (CNSAD) dans le rôle de Mercutio.

Barthélémy Meridjen (dans le rôle du Prince, Clown, Chœur, Apothicaire, Gregory et Frère Jean) et Benjamin Lavernhe ont quand à eux été élèves d'Olivier Py durant leurs années au CNSAD. Enfin, Camille Cobbi et Matthieu Dessertine sont les deux jeunes « premiers » qui sortent du CNSAD et qui ont su séduire le metteur en scène.
Comme dans la plupart de ses mises en scènes, Olivier Py a fait appel à Pierre-André Weitz (études d’Art Lyrique au Conservatoire de Strasbourg, diplôme d’architecte.) qu'il appelle son « chorégraphe d'espace » pour la scénographie et les costumes.

La représentation a au lieu dans la salle à l'italienne Bernard-Marie Koltès, le public et l'espace scénique sont donc en rapport frontal. Lorsque le public entre, le plateau est éclairé et les spectateurs peuvent voir, à moitié dans les coulisses mais tout de même visibles par une volonté de ne rien cacher, trois praticables noirs(deux à jardin, un à cour), deux escaliers, noirs également (un de chaque côté), trois palmiers qui dépassent à cour, très verts, et à jardin, des mats qui supportent une guirlande d'ampoule qui semble emmêlée. Le fond du plateau est pendrillonné d'un rideau noir, le sol est en lino (je pense) noir.
D'emblée le spectateur s'attend à une mise en scène noire, profonde, tragique et contemporaine. Le spectacle commence, les lumières restent allumées, et le chœur arrive, qui s'adresse directement au public. Dès la fin du prologue, le quatrième mur est cependant à nouveau présent.

Les lumières sont très importantes durant la représentation. Tout d'abord, la lumière est quasiment omniprésente sur le public, pour un rappel du théâtre élisabéthain, ainsi que du théâtre lui-même: la lumière permet aux spectateurs de se voir entre eux, donc de se rappeler sans cesse qu'ils sont au théâtre, et que la pièce à laquelle ils assistent n'est qu'une histoire. Mais cela permet aussi au public de faire partie intégrante de l'histoire, d'être réellement présent: les comédiens peuvent les voir. Enfin, le public est déstabilisé et gêné, les spectateurs se sentent observés: ils toussent, chuchotent... L'attention est différente que lorsque la lumière est éteinte.
Cependant, la lumière sur le public s'éteint à plusieurs reprises:




  • Lors de la mort de Tybalt et de Mercutio (scène I, acte III), juste avant l'entracte. Soudainement, les spectateurs ont une impression d'oppression, de solennité, de profondeur. Le silence se fait car les gens réagissent au changement. La lumière sur scène, très blanche, est projetée par quatre projecteurs placés sur le nez de scène. Les trois praticables, alignés, laissent un très petit espace sur l'avant scène, et font que la lumière est « rasante », elle ne va pas plus loin qu'eux et est donc répercutée vers le haut pour sculpter les visages, qui deviennent blêmes, cadavériques. C'est l'effet voulu, puisque c'est la scène où Mercutio meurt et Tybalt se fait tuer par Roméo, qui va être banni, ce qui va déclencher le drame. La lumière sculpte ainsi l'espace, dans cette scène qui est un tournant pour l'histoire.



  • Dans la scène où le jour du mariage de Juliette et de Pâris est convenu entre celui-ci et Capulet (scène IV, acte III), le public est à nouveau dans le noir. La scène n'est éclairée que par une ampoule nue suspendue au bout d'un câble, très blanche et intense.(voir photos, et maquette plus loin). La scène est assez violente, on dirait presque que Capulet veut marier sa fille de force. Il fait même se balancer l'ampoule et cela crée une atmosphère inquiétante, malsaine, et les spectateurs le ressentent d'autant plus qu'ils ne sont plus éclairés.





  • Enfin, le matin de la nuit de noces de Roméo et Juliette (scène V, acte III), la salle ainsi que le plateau sont entièrement noirs, il n'y a pas de lumières, à part un rayon jaune. Mais contrairement à la scène I de l'acte III, l'ambiance est moins oppressante, même si le silence est à nouveau présent. Cette fois-ci, l'éclairage se veut intimiste. Lorsque Roméo se lève, le rayon éclaire juste son visage, heureux. Je pense que des projecteurs sont ensuite ajoutés (ou seulement un) pour qu'on puisse voir également le visage de Juliette. Le spectateur a l'impression d'être un voyeur tapi dans l'ombre, qui assiste à une scène très intime. Ici, l'éclairage permet donc de créer une ambiance, tout en servant de décor, qui émeut le spectateur.




Sur le plateau, l'éclairage est assez froid durant quasiment toute la pièce, ou alors très sombre, comme la mort qui attend Roméo et Juliette. La lumière projetée est blanche, « crue », elle sculpte les visages et donne l'impression de vouloir mettre à nu tout ce qui se passe pour empêcher le drame de se réaliser. Seule la gélatine atténue cette lumière, et lui donne une couleur rouge sang, comme pour, encore une fois, dénoncer la mort future des deux amants. On peut aussi dire que c'est la couleur de l'amour car ils s'embrassent souvent devant cette gélatine. Seules les ampoules jaunes de la table de loge restent allumées en permanence, même dans le noir, pour rappeler que ce n'est que du théâtre.
La lumière est projetée, bien évidemment, par des projecteurs placés dans les cintres (trois cintres de 15 projecteurs) ou sur l'avant-scène (voir photos.), mais également par une grande structure: 7 rangées de 10 néons, qui peut s'abaisser sur scène ou remonter, et changer d'intensité (voir photo du bal + suivantes).
Ainsi, la lumière est essentielle dans l'adaptation d'Olivier Py, rappelant le contexte de l'époque de Shakespeare et son théâtre (le Globe) dans le public, accentuant la tragédie, jouant le rôle d'un signe prémonitoire du drame, et servant également, quelques fois, de décor. Cependant, bien qu'ils ne soient pas nombreux, il y a aussi des objets scéniques.



[size=12]Tout d'abord, un machiniste amène une petite table de loge qui restera durant toute la représentation, comme pour faire écho aux phrases du coryphée : « […] Vont en deux heures être exposés sur notre scène [...] » (traduction de François-Victor Hugo). En effet, elle est omniprésente afin de rappeler aux spectateurs qu'ils sont au théâtre et que la pièce qu'ils regardent n'est qu'une fiction.
Tout de suite après, le public peut apprécier la mise en place du dispositif scénique : les praticables (environ 2,50 mètres de hauteur et 3mètres de largeur) servent de tout, ils constituent le décor : balcon, façade, ils encadrent et servent à guider le regard du spectateur. Ils sont peint en noir « ardoise », les acteurs écrivent dessus à plusieurs reprises. (« La nuit sera blanche et noire » juste avant l'entracte, donc avant la nuit de noce de Roméo et Juliette. Pour moi, c'est une manière de dire que Roméo et Juliette passent leur nuit de noce, puisque l'une est en blanc et l'autre en noir, et qu'ils sont opposés par leur famille comme ces couleurs. L'autre phrase est marquée vers la fin du spectacle : « la mort n'existe pas ». D'après moi, cela sous-entend que malgré leur mort, Roméo et Juliette vont continuer à s'aimer.) Ils sont munis de roulettes, ainsi que les escaliers et un piano, posé sur un petit praticable, ce qui permet une scénographie en perpétuel mouvement, comme un ballet qui s'accélère à partir de la seconde partie du spectacle jusqu'à la mort des deux amants, afin de traduire le rythme effréné de la pièce et l'impossibilité d'arrêter l'histoire. Les acteurs sont souvent aidés sur scène par des machinistes pour déplacer ces structures , qui sont quasiment omniprésentes, notamment les praticables, et le piano.
Ces praticables ne constituent pas absolument tout le décor. Des tables (une douzaine) sont régulièrement portées sur scène (elles n'ont pas de roulettes). Elles sont assemblées pour créer un niveau supplémentaire, comme pendant le bal (voir photos au dessus) : le sol , les tables, les praticables. Les palmiers, d'environ 3 mètres de haut, sont amenés du lointain à l'avant-scène par les acteurs eux-mêmes. Ils ne se veulent pas naturels : les feuilles très vertes, un tronc lisse, ils ressemblent à des jouets. Ils représentent, à mon avis, la forêt de sycomores (Acte I, scène I), mais sont surtout là pour créer un ensemble avec les praticables et les escaliers : un décor symboliste qui permet à chaque spectateur d'imaginer son propre balcon, son propre palais... Ce décor symboliste accentue aussi la théâtralité : la petite table de loge suggère que les personnages sont avant tout des comédiens qui jouent pour un public, comme le prologue l'annonce, les praticables amovibles noirs laissent une grande liberté d'imagination au spectateur. Enfin, on peut apercevoir les acteurs sur le côté du plateau qui attendent assis sur des chaises.
Mais le décor rappelle aussi le théâtre élisabéthain. L'espace scénique est divisé en plusieurs parties, comme dans le Globe : tout d'abord, les praticables servent de galeries (comme dans la scène du balcon). De plus, un rideau de gélatine rouge peut tomber des cintres et séparer encore l'espace en avant-scène et arrière-scène, comme dans le théâtre du Globe. Enfin, les tables qui peuvent être rajoutées créent un niveau supplémentaire.
La lumière omniprésente sur le public évoque le parterre du Globe où les gens pouvaient partir et venir à leur gré. Les comédiens entrent ou sortent par le parterre, et s'adressent au public, comme au XVIème siècle.
Enfin, la scénographie traduit le thème principal de la pièce de Shakespeare : l'amour qui mène inéluctablement à la mort. En effet, quasiment tous les objets scéniques (escaliers, praticables, sol, fond de scène...) sont noirs pour évoquer cette mort. De plus, tout est très linéaire, très anguleux, très géométrique : des praticables rectangulaires, des escaliers, des lignes de néons, des tables... qui annoncent la mort, le drame. Enfin, Roméo lui-même est habillé en noir et porte à plusieurs reprises le masque de la mort comme nous le verrons plus tard.
Ainsi, le dispositif scénique est à la fois très simple et complexe, et peut représenter et traduire plusieurs choses, tout en relevant également un peu du théâtre de plateau. Le seul objet scénique qui reste durant toute la pièce est le piano.


En effet, il n'y a pas de musique enregistrée où de sons qui puissent évoquer le lieu, mais le piano et son pianiste sont omniprésents, permettant de conférer à cette pièce une image de mélodrame (au sens du XVIIIème siècle : mélo=musique et drame). Le spectateur accède également mieux aux sentiments des personnages, et réussit à mieux entrer dans leur jeu. Enfin, le piano permet de rythmer la représentation.


Effectivement, celle-ci dure 3h20 (avec entracte), il faut donc réussir à captiver le spectateur (objectif atteint, d'ailleurs). La fable, elle, dure seulement cinq jours, ce qui est très peu pour avoir le temps de se rencontrer, de s'aimer, de se marier, de tuer, de se faire bannir pour mourir finalement. Le rythme est donc très soutenu, et c'est ce qu'a voulu mettre en avant Olivier Py grâce au piano, aux objets scéniques mobiles, et bien sûr, grâce au jeu très énergique des acteurs.


Nous pouvons distinguer, dans les personnages, des groupes. Roméo et Juliette est une histoire d'amour qui met en scène non seulement le couple de jeunes amants, mais également beaucoup d'autres! Olivier Py a réussi à le mettre en relief, tout en traduisant au sein de ces couples l'idée de contraste (entre l'amour et la haine des deux familles), d'opposition qui est omniprésente.
Tout d'abord, bien entendu, il y a le couple formé par Roméo et Juliette. Ce sont deux amoureux opposés par leur famille. Dans cette mise en scène, Py a effectivement réussi à montrer ce contraste. On le voit d'emblée dans leur jeu et leurs positions l'un par rapport à l'autre. Camille Cobbi (Juliette) entre souvent par au-dessus, sur les praticables, tandis que Matthieu Dessertine (Roméo) est au sol: ils sont séparés par la hauteur, comme pour montrer leur amour interdit. Cette distance montre aussi leur liberté (ou non-liberté): Juliette ne peut descendre, elle ne peut pas être vraiment libre, même en matière d'amour, alors que Roméo est libre de vagabonder, de tomber amoureux et de séduire. Leurs costumes sont opposés également: Roméo est vêtu de noir, c'est un jeune homme taciturne. Il porte à plusieurs reprises (pendant le bal) un masque qui représente la mort, comme un signe prémonitoire. Juliette, quant à elle est habillée de blanc et ses cheveux sont blond vénitien, comme pour représenter la pureté.
Cependant, Olivier Py a voulu une Juliette émancipée, qui ose. C'est en partie pour cela qu 'il a choisi Camille Cobbi: sa voix est grave mais douce et chaude, elle accompagne celle de Roméo, profonde et chaude également, et s'y mêle pour former un chant. Mais cette voix lui permet aussi de résister à son père, de lui dire « non! » dans cette scène extrêmement violente ou, malgré ses pleurs et les menaces de son père, elle continue à l'affronter et à refuser le mariage.

Comme pour leurs voix qui se mêlent, lorsqu'ils ne sont pas séparés (c'est-à-dire pendant la scène du bal, du balcon et la nuit de noce), c'est un amour charnel qui apparaît, un désir de serrer l'autre dans ses bras. J'ai trouvé que cela représentait assez bien un amour adolescent.

En plus de se toucher beaucoup, ou de se regarder, le jeu des acteurs reflètent bien leur amour: Juliette, très exaltée, ouvre souvent ses bras comme pour appeler Roméo, qui, quant à lui, paraît très faible, très retourné de cet amour: il est souvent courbé, comme s'il allait défaillir. (voir photo de Juliette ci-dessus).

Il y a aussi le couple formé par Tybalt et Lady Capulet, qu'Olivier Py a mis en évidence en faisant jouer ces deux personnages par le même acteur, Quentin Faure, qui s'en sort à merveille. Cela rappelle un peu le théâtre élisabéthain, où les femmes étaient jouées par des hommes. On peut dire que Tybalt et Lady Capulet forment un « couple » car Lady Capulet est la seule (après Juliette) à vraiment regretter Tybalt, il y avait peut-être même une relation incestueuse entre eux (c'est son neveu). Quentin Faure arrive à différencier son jeu pour ces deux personnages: lorsqu'il joue Tybalt, en plus d'être torse nu, il prend un ton plus agressif pour représenter son personnage belliqueux (et porte un masque de fauve lors du bal et lors du combat), il utilise beaucoup la gestuelle, il est très imposant; tandis qu'il prend une voix un peu plus doucereuse, tout en restant rocailleuse car Lady Capulet fume, il change de costume (s'ajoute une chemise noire et un voile noir de tulle qui cache son visage et son torse) et de jeu. En effet, le personnage de Lady Capulet est très calme et attentif, souvent présent sans parler. Cela confère à la mère de Juliette une attitude de manipulatrice, d'espionne, et une femme plus réfléchie que passive comme elle est montrée, je trouve, dans la pièce écrite.

Nous pouvons pareillement considérer le couple Capulet/Pâris, également joué par le même acteur, Olivier Balazuc. Ces doublons permettent de donner du sens: ici, on peut voir Pâris comme le gendre idéal mais inventé de Capulet. Le rapport avec sa fille est aussi un peu incestueux, comme si ce Pâris était Capulet plus jeune, prétendant de Juliette. Capulet et Pâris portent le même costume complet beige, le comédien se rajoute juste un chapeau gris pour interpréter Pâris. Lui aussi arrive à différencier son jeu: lorsqu'il est Capulet, sa gestuelle est exagérée, un peu burlesque, avec une voix rauque un peu folle. Pâris au contraire a une voix plus douce, il est toujours un peu baissé comme pour se soumettre à Capulet. Capulet est représenté comme un fou, schizophrène et pervers: lors du bal, il porte un masque de cochon, il est ivre, il parle seul, face au public.

Le dernier couple à considérer est celui formé par la Nourrice et Frère Laurent: ce sont les deux seules personnes (en dehors des jeunes amants) à être au courant de leur mariage, et à vouloir les aider. Ces deux personnages sont âgés et le spectateur les voit renaître en aidant ce jeune couple. La Nourrice, Mireille Herbstmeyer, très mince, est vêtue d'un tailleur bleu. Elle paraît très sèche autant par son physique que par sa voix (sèche et chaude à la fois), est en fait une confidente et une amie de Juliette, qu'elle aime beaucoup. Son jeu est un peu exagéré, presque caricatural.Frère Laurent (Philippe Girard) est toujours très calme, il expose patiemment ses idées d'une voix grave agréable. Il porte un long imperméable gris et un chapeau de paille agrémenté de petites fleurs bleues. Ces deux personnages sont en quelque sorte les figures de la sagesse et de la gentillesse envers Roméo et Juliette.
Un trio est également formé par Mercutio ( Frédéric Giroutru), Benvolio ( Benjamin Lavernhe) et Roméo. Quand ils sont tous trois ensemble, surtout lors de la scène de plaisanteries à allusion sexuelles (scène IV, acte II), représentent bien des adolescents par leur jeu exagéré, festif, joyeux.
Enfin, Barthélémy Meridjen interprète merveilleusement le Prince, le choeur, les valets, un clown. Tantôt très rigide, tantôt exagéré, il arrive à se retrouver dans tous ses personnages.
Des masque sont utilisés lors de la scène du bal, représentant généralement la personnalité des personnages. Tous les costumes sont modernes et généralement noirs, à part celui de Juliette, blanc, pour représenter la pureté, la virginité, mais une pureté qui se rebelle.

Les partis pris ont été développés pendant tout le compte-rendu: il y a tout d'abord une volonté d'être fidèle au texte. Olivier Py a rendu dans sa traduction tous les élans lyriques autant que les plaisanteries sexuelles de l'époque, et a voulu choquer aujourd'hui comme le texte a choqué à l'époque.
Le metteur en scène a également prit le parti d'une mise en scène symboliste pour permettre au spectateur une liberté d'interprétation, car une des théories d'Olivier Py est que le théâtre est un espace libre.
Olivier Py a aussi voulu mettre en avant la théâtralité grâce à la petite table de loge, grâce à sa traduction du prologue qui invite le spectateur à se rappeler que ce n'est qu'une histoire, grâce aux entrées et sorties dans le parterre; mais également faire un rappel du théâtre élisabéthain: plusieurs espaces sur le plateau, lumières sur le public et adresse directe.
Enfin, le metteur en scène a placé son spectacle sous le signe du contraste et de l'opposition, notamment entre le blanc et le noir, mais aussi en passant d'un texte fondamentalement lyrique à une scène plus comique (ce qui apparaît déjà dans le texte de l'époque).

III] Commentaire personnel

J'ai beaucoup apprécié cette pièce, notamment parce que la traduction d'Olivier Py était beaucoup plus adaptée à notre époque, et donc beaucoup plus compréhensible.
De plus, les acteurs étaient formidables, tous très énergiques, notamment Camille Cobbi, grande tragédienne, et Barthélémy Meridjen, très souple dans l'interprétation de sa multitude de rôle.

Les costumes et la scénographie m'ont également beaucoup plus, ils représentaient vraiment, pour moi, la pièce et étaient très fidèle à l'écriture lyrique de Shakespeare en évoquant une chorégraphie. L'éclairage rendait très bien aussi, permettant de créer une tension chez le spectateur.

C'est une pièce que j'ai donc particulièrement appréciée, tant au niveau de la traduction que de l'ensemble de la scénographie et du jeu.

















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MessageSujet: Re: Roméo et Juliette - Shakespeare - Mise en scène d'Olivier Py   Roméo et Juliette - Shakespeare - Mise en scène d'Olivier Py I_icon_minitimeMer 6 Juin - 9:14

Bon, il y a des problèmes de police des caractères que je n'arrive pas à régler, mais sachant que c'est plus vers la fin, ça ne gêne pas, il suffit d'arrêter la lecture Wink
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MessageSujet: Re: Roméo et Juliette - Shakespeare - Mise en scène d'Olivier Py   Roméo et Juliette - Shakespeare - Mise en scène d'Olivier Py I_icon_minitimeMer 13 Juin - 10:08

Waou! C´est genial Mona! J´aime beaucoup, mais maintenant, j´ai trop envie de voir cette piece! Pas cool! Sad Nan, mais serieusement, t´as fait un tres bon commentaire. Si je comprends bien, le metteur en scene a su meler ancien et contemporain, n´est-ce pas? Et la musique, elle etait comment, concretement? Parce que j´ADORE quand il y a de la musique au theatre. Tu te souviens de Dom Juan de J.Brochen, l´année derniere? Ce fut a donner des frissons! Brrr!
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MessageSujet: Re: Roméo et Juliette - Shakespeare - Mise en scène d'Olivier Py   Roméo et Juliette - Shakespeare - Mise en scène d'Olivier Py I_icon_minitimeJeu 14 Juin - 18:40

Merci beaucoup! Smile Faut dire que la pièce m'avait beaucoup plu et que, comme on la travaille cette année, j'étais pas mal "investie". Et c'est un de mes meilleurs compte-rendu: 19/20, c'est cool Razz
La musique était assez variée: plutôt comique lorsque le serviteur chantait, douce et un peu "mélancolique" dans les scènes plus lyriques, et rythmé lors de passages comiques, à mon souvenir. Elle accompagne bien l'intrigue et apporte quelque chose en plus. D'ailleurs, quand nous avons vu Olivier Py, il disait qu'il fallait plus de musique dans les répétitions, car elle guide les acteurs. Enfin, je te passerai mon carnet de bord, j'ai le compte-rendu de l'entretien dedans Smile
Voici deux vidéos pas mal, je trouve:
http://videos.arte.tv/fr/videos/theatre_romeo_et_juliette_-4188590.html
https://www.dailymotion.com/video/xo300q_romeo-et-juliette-shakespeare-olivier-py_creation
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